
Le 1er novembre, soir de l’ouverture du festival Cinemania, on aurait pu croire que les beaux jours du cinéma francophone étaient revenus.
Les cinéphiles s’entassaient comme des sardines dans le foyer du Cinéma Impérial, rue Bleury à Montréal. Tout le gratin culturel y était. Fait inusité, Mathieu Lacombe, l’actuel ministre de la Culture et des Communications, était flanqué de Liza Frulla, de Louise Beaudoin et de Line Beauchamp, toutes anciennes ministres de la Culture du Québec, sans parler des grandes patronnes de Téléfilm et de la SODEC, Julie Roy et Louise Lantagne.
Les 800 fauteuils de la salle étaient tous occupés par des cinéphiles curieux d’entendre le discours triomphant de Guilhem Caillard, directeur général du festival. Il donna l’impression que le cinéma français ressuscitait au Québec et que les blockbusters américains n’avaient qu’à bien se tenir. Même Alain Berset, président de la Confédération suisse venu signer un nouvel accord de coproduction entre la Suisse et le Canada, dans une allocution teintée d’un humour bon enfant, parla des cinémas québécois et suisse comme s’ils vivaient un âge d’or.
UNE SIMPLE ILLUSION?
Toute cette pompe faisait illusion. Ce festival du film francophone, né à Montréal en 1995, survivra-t-il à son 30e anniversaire qu’on veut célébrer l’an prochain? Même Pierre Roy, son président, est dubitatif. Malgré les apparences, l’engouement pour le cinéma français que célèbre le festival n’est plus ce qu’il était. Et il y a de bonnes raisons à l’inquiétude de Roy. La présence des films français dans nos salles est de plus en plus rare et celle des films québécois ne dure que quelques semaines quand ce n’est pas seulement quelques jours.
Pourtant, la cuvée des films québécois n’a pas souvent été aussi riche qu’aujourd’hui. Des réalisatrices comme Sophie Dupuis, Louise Archambault, Sophie Deraspe, Anik Jean et d’autres encore redonnent un souffle de jeunesse et d’audace au cinéma québécois. Simple comme Sylvain de Monia Chokri vient d’ouvrir en France, où la plupart des critiques sont élogieuses. Mais nos films, si bons soient-ils, ne vivent pas longtemps dans les salles de cinéma. La plupart d’entre nous doivent se résigner à les voir au petit écran, via les plateformes qui les présentent.
Je suis allé au cinéma plusieurs fois, l’été dernier. Sauf pour la première du film Testament de Denys Arcand et deux premières où j’ai été invité avec tous les artistes et les artisans qui avaient œuvré aux films, les salles étaient presque désertes. J’étais même seul avec ma femme et ma belle-sœur pour Solo, le remarquable film de Sophie Dupuis avec l’extraordinaire Théodore Pellerin. En fin de journée, un samedi!
DES INCITATIONS FISCALES
L’an dernier, les salles du Québec ont connu une brève embellie, même si les auditoires n’ont pas égalé ceux d’avant la pandémie. En 2022, les salles ont accueilli 11,3 millions de spectateurs, mais les films américains furent les seuls responsables de l’embellie. Quant aux films québécois, malgré leur nombre et leur qualité, ils ont attiré seulement 9% de l’auditoire. Même pas le nombre de téléspectateurs que réunit le dimanche soir l’émission de TVA Chanteurs masqués!
Si la seule fenêtre de nos films est le petit écran, nos meilleurs cinéastes s’exileront comme Denis Villeneuve et Jean-Marc Vallée. Le ministre Mathieu Lacombe doit absolument réfléchir à des mesures fiscales qui inciteront les exploitants de salles à garder les films québécois à l’affiche plus longtemps et les distributeurs à en faire une meilleure promotion.